Espace Monique Lise Cohen
Archives de l’Organisation Juive de Combat
Les Juifs dans la Résistance
Joseph Georges COHEN
Les archives de l’Organisation juive de combat – Collection Joseph Georges Cohen – présentent tous les aspects de ce que fut la Résistance juive : lutte armée et sauvetage. Ce site qui les présente a vocation à s’ouvrir à celles et à ceux qui veulent offrir leur témoignage ou transmettre des documents. Afin de fonder la mémoire, de développer la connaissance historique et de forger les voies de l’avenir. Les archives que nous présentons concernent essentiellement la France, mais la recherche historique peut s’élargir à tout l’histoire de la résistance juive en Europe et offrir les voies d’une réflexion sur la présence juive en Europe.
En 1940, les Juifs Français ont vu tout leur environnement, toutes leurs aspirations et certitudes s’écrouler. Leurs liens avec d’autres Français se sont aussi bien souvent effacés. Les instances légales se sont tues à l’annonce des lois anti-juives du 3 octobre 1940. Aux yeux de tous, on présenta alors les Juifs comme les responsables de la défaite de la France.
D’autre part des milliers de Juifs venant d’Allemagne ou de Pologne et qui avaient trouvé refuge en France, étaient internés dans les camps du Sud de la France.Les Juifs entrèrent très tôt en résistance. Ils furent les combattants de la France Libre ou de la Résistance Intérieure, résistants de la M.O.I., des maquis juifs des Eclaireurs Israélites ou de l’Organisation Juive de Combat… La Résistance nationale, écrit Lucien Lazare, a combattu, avec l’appui des Alliés, le même ennemi que la Résistance juive. Mais cet ennemi, dit-il, » livrait deux guerres : l’une contre les Etats et l’autre contre les Juifs ». Et la guerre contre les Juifs allait plus vite que l’autre! Adam Rayski écrit : « Sur l’horloge de l’histoire, les aiguilles avancent plus vite pour les Juifs que pour les autres peuples. Le temps des autres n’est pas précisément le nôtre ».
La Résistance nationale et les Alliés n’ont peut-être pas perçu, ou voulu percevoir, la dimension de la guerre d’extermination que les nazis livraient contre les Juifs. L’idée générale de la Résistance et des Forces Alliées était que la victoire contre l’Allemagne nazie sauverait en même temps les Juifs. Pour ces deux Résistances, l’ennemi était commun, mais il y eut des combats spécifiques : la Résistance a débuté avec l’Occupation, la Résistance juive a pris ses premières initiatives en 1938, au moment de la Nuit de Cristal.
La Résistance nationale visait à libérer le sol de la patrie, mais la Résistance juive cherchait à assurer la sauvegarde des Juifs qui tous étaient menacés de mort.
La stratégie de la Résistance nationale était la guerilla psychologique et militaire, le harcèlement de l’ennemi ; celle de la Résistance juive était le camouflage des Juifs en aryens ainsi que l’organisation de leur fuite à l’étranger.
Les opérations de la Résistance ont été le noyautage de l’administration, le renseignement, le sabotage des communications ainsi que le harcèlement des troupes ennemies ; celle de la Résistance juive ont eu un caractère « civil » : assurer aux Juifs des moyens de subsistance et des logis camouflés, les munir de faux papiers, les faire évader et dans certains cas éliminer les dénonciateurs.
On entend souvent dire que les Juifs se seraient laissés « amener à l’abattoir comme des moutons », ou bien on entend encore affirmer à l’inverse que les Juifs ont su maîtriser leur destin et prendre les armes. Mais cette opposition entre la passivité et l’action, fondatrice du discours occidental, est-elle bien opérante pour parler de la réalité de l’existence des Juifs et particulièrement pendant cette guerre ? Renée Poznanski parle des « couples conceptuels infernaux… résistance / collaboration et résistance / passivité ». Ces concepts ne rendent pas vraiment compte de ce que fut l’expérience complexe de la résistance des Juifs si profondément ancrée dans l’urgence du sauvetage et même là où il y eut comme ce fut très souvent le cas, résistance armée.
Peut-être l’œuvre d’Emmanuel Lévinas nous permet-elle de nous approcher de cette réalité. L’éthique, dit-il, est fondée sur l’idée de la responsabilité pour autrui. Responsabilité qui n’est pas celle du sujet libre et autonome, mais qui provient d’une passivité – celle de l’élection – antérieure à la volonté libre. La résistance juive n’est-elle pas une grande expérience de cette responsabilité ?
Ainsi la Résistance juive fut tout entière la volonté de sauver l’existence juive et jusqu’à sa mémoire en Europe. Il y eut en France comme dans d’autres pays d’Europe, une résistance spécifiquement juive, mais également les Juifs participèrent à d’autres mouvements de résistance ainsi qu’aux combats des Armées Alliées. La place des Juifs dans la Résistance révèle-telle quelque chose d’inédit dans l’écriture de l’histoire européenne ? Quelle mémoire avons-nous de ce combat? Quel en est aujourd’hui l’héritage dans la construction de l’Europe ? C’est un champ immense qui s’ouvre à la recherche historique ainsi qu’à la réflexion philosophique et religieuse.
Maquette de Joseph Clementé
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La Fondation pour la Mémoire de la Shoah